« on enterre ce qui meurt, on garde les bons moments
… »
Il est 5h30 quand je me lève fripé dans ma chambre d’hôtel. J’écarte le tissu vinyl marron crade d’un rideau sur un échangeur d’autoroute, avec en arrière-plan l’aéroport de Cincinnati.
Le redémarrage du cerveau commence par la dernière séquence de la soirée. Mon avion de retour vers Paris qui est tombé en panne, les heures passées à patienter dans un terminal qui sent le graillon, avant qu'une hôtesse potelée, vienne nous annoncer avec un air faussement navré, que notre départ était décalé tôt le lendemain. La nuit fût donc courte, mais un décapage à l’eau chaude sous la douche finit de me réveiller. J'enfile la chemise de la veille, c'est la seule option d'habillement puisque ma valise est restée plantée à l'aéroport. J'exprime intérieurement ma reconnaissance à la compagnie aérienne qui m'offre ce joli moment.
Le petit déjeuner vient de commencer quand je descends. Je m'assois à côté d'une vielle dame qui a du mal à marcher et qui pose ses béquilles contre la banquette. Je pense forcément à ma mère que j’ai laissée au fond de son hôpital avec ses tuyaux plantés dans son bras squelettique et le visage pris dans son masque respiratoire...La discussion s'engage. La vieille dame arménienne m'explique qu'elle est plantée par le même avion que moi, et qu’elle se prépare à un très long voyage puisqu’elle a raté le seul vol hebdomadaire de Paris pour Erevan, sa destination finale. Je compatis, sans écouter vraiment.
Je suis ailleurs.
Je t'attendais sur le parking. J'avais bidonné une fausse excuse pour fausser compagnie au groupe de collègues qui était descendu dans le même hôtel : une explication à base de diner chez une vieille connaissance américaine, je pense qu’ils flairaient l’escroquerie mais ils s’en foutaient. Une fine pluie s’est mise à tomber en levant une odeur de goudron chauffé par un premier soleil de printemps. Les écouteurs dans les oreilles, j'écoute un titre de Noir Désir "A ton Etoile". Je remonte la capuche de mon sweat pour parer à ce faible crachin de début d’été, même si du coup je deviens une copie pathétique d’un adolescent.
Une voiture énorme a déboulé, un command car blanc avec une GI Joe girl à son volant. Une surprise : je t’aurais plutôt vue conduire une allemande, une voiture raffinée et feutrée. En montant dans ton tank, j’ai souri en me demandant si tes hauts talons touchaient les pédales.
A peine assis, tu m'as balancé un "Bonjour Monsieur Meillier" avec la malice qui pétillait derrière tes yeux. Cela m’a cueilli dans mon élan, j'ai dû dire maladroitement «Emmène-moi ou tu veux ». Cela ressemblait à un ordre, mais c'était plutôt un cri de panique ou un appel au secours. J’avais envie de mouvement.
Après m’avoir regardé dans un silence souriant, tu as démarré. On savait bien que l’on n’aurait pas dû être ensemble dans cette voiture. En tout cas moi je ne pouvais pas me prétendre innocent, je savais…J’avais déjà traversé la frontière qui sépare un pauvre type d’un sale type. Mais au fond je n’arrivais pas à m’en vouloir. La joie de fuir une ambiance pourrie à la maison, et celle de passer une soirée en compagnie de tes yeux verts sombres, et de l’énergie joyeuse que tu dégageais, venait faire taire tout prémices du sentiment de culpabilité qui aurait pu flotter sur mes pensées.
Au volant, tu te taisais et je refusais qu’un silence gêné
s’installe alors j’occupais le vide avec un monologue sur la météo. Je
pataugeais et j’angoissais un peu. Heureusement un trajet rapide
jusqu’au restaurant japonais m’a sauvé du naufrage. On a diné en tête à
tête, mais je n'avais pas faim. On a ouvert les placards de nos vies
respectives, il y avait tout à apprendre de toi. Je t’ai parlé des enfants, de
ma femme et de ma fierté pour cette famille. Tu as baissé la tête. J’adorais
cette grâce que tu avais. Je me sentais pataud.
Quand on est sortis pour aller à pied vers le café-théâtre, tu marchais devant, et mon regard restait fixé sur ta nuque. Je trouvais cela incroyablement élégant et féminin. J’ai approché ma main, et dans la surprise tu as tressailli. J’ai ressenti une émotion du niveau de celle de Buzz Aldrin quand il a découvert un nouveau territoire en ouvrant la porte de son module lunaire. On s’est assis à côté de la scène sur laquelle un grand gars racontait avec une voix de démarcheur des trucs qui faisaient marrer tout le monde… sauf moi. D’abord je ne comprenais pas grand-chose, et puis j’étais occupé à te prendre la main, et à regarder ton sourire qui naviguait sur tes lèvres.
En sortant la nuit était tombée mais l’air était tiède, je t’ai embrassé sous un réverbère, et je crois bien que j’aurais pu continuer à t’embrasser comme cela toute la nuit.
Quand on est sortis pour aller à pied vers le café-théâtre, tu marchais devant, et mon regard restait fixé sur ta nuque. Je trouvais cela incroyablement élégant et féminin. J’ai approché ma main, et dans la surprise tu as tressailli. J’ai ressenti une émotion du niveau de celle de Buzz Aldrin quand il a découvert un nouveau territoire en ouvrant la porte de son module lunaire. On s’est assis à côté de la scène sur laquelle un grand gars racontait avec une voix de démarcheur des trucs qui faisaient marrer tout le monde… sauf moi. D’abord je ne comprenais pas grand-chose, et puis j’étais occupé à te prendre la main, et à regarder ton sourire qui naviguait sur tes lèvres.
En sortant la nuit était tombée mais l’air était tiède, je t’ai embrassé sous un réverbère, et je crois bien que j’aurais pu continuer à t’embrasser comme cela toute la nuit.
Une soirée est passée. Le lendemain je devais prendre
l’avion vers la France et on en est restés là. J’ai regardé ta silhouette
s’éloigner, je fondais intérieurement…
Ce matin, c’est un changement de focale, dans mon lobby d’hôtel je replonge mes yeux sur ma tasse de liquide noirâtre devant moi, un café américain avec juste l'odeur et pas le goût. Je n’ai plus trop envie de terminer ma tasse, du coup je me lève en prenant congé de la vieille arménienne. Ma trousse de toilette est dans ma valise en train de m’attendre à l’aérogare, je suis donc dispensé de brossage de dents. Je règle la note d'hôtel, j’attends mes collègues qui me rejoignent dans le lobby.
La hotline de la compagnie aérienne nous confirme que le problème d’avion est résolu, et que l’on nous attend dans quelques heures pour l’embarquement. Je sors de l’hôtel avec le groupe pour attendre la navette de l'aéroport. Le soleil rosit le ciel, c'est une belle journée de printemps qui s'annonce, et cette perspective parvient même à rendre ce lieu sans âme à peu près joli. Sur mon téléphone, tu m’as envoyé deux SMS : deux chansons. J’éprouve la joie du gosse qui découvre ses cadeaux de Noel. Je m'écarte du groupe. Les premières notes de musique habillées par la voix de cœur de pirate accompagnent parfaitement ce lever du soleil. Cette voix féminine éraillée que j’adore.
"Found the fire in the rainBurning drops drowned all my pain
Ce matin, c’est un changement de focale, dans mon lobby d’hôtel je replonge mes yeux sur ma tasse de liquide noirâtre devant moi, un café américain avec juste l'odeur et pas le goût. Je n’ai plus trop envie de terminer ma tasse, du coup je me lève en prenant congé de la vieille arménienne. Ma trousse de toilette est dans ma valise en train de m’attendre à l’aérogare, je suis donc dispensé de brossage de dents. Je règle la note d'hôtel, j’attends mes collègues qui me rejoignent dans le lobby.
La hotline de la compagnie aérienne nous confirme que le problème d’avion est résolu, et que l’on nous attend dans quelques heures pour l’embarquement. Je sors de l’hôtel avec le groupe pour attendre la navette de l'aéroport. Le soleil rosit le ciel, c'est une belle journée de printemps qui s'annonce, et cette perspective parvient même à rendre ce lieu sans âme à peu près joli. Sur mon téléphone, tu m’as envoyé deux SMS : deux chansons. J’éprouve la joie du gosse qui découvre ses cadeaux de Noel. Je m'écarte du groupe. Les premières notes de musique habillées par la voix de cœur de pirate accompagnent parfaitement ce lever du soleil. Cette voix féminine éraillée que j’adore.
"Found the fire in the rainBurning drops drowned all my pain
Listen to
the oceans brawl
I’ll find you and then I’ll crawl"
Je ne suis plus un perdreau de l’année, j'ai la peau épaisse et la vie m'a appris aussi à ne pas m'enflammer, mais un truc m'attrape par surprise, je n'étais pas prêt à entendre ces mots.
“And I’ll find my way back home
Just to read upon the light that’s in your eyes"
A ce moment j’ai le cœur tellement léger que je dois léviter au-dessus du sol.
I’ll find you and then I’ll crawl"
Je ne suis plus un perdreau de l’année, j'ai la peau épaisse et la vie m'a appris aussi à ne pas m'enflammer, mais un truc m'attrape par surprise, je n'étais pas prêt à entendre ces mots.
“And I’ll find my way back home
Just to read upon the light that’s in your eyes"
A ce moment j’ai le cœur tellement léger que je dois léviter au-dessus du sol.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire